Les potentiels des riens

Une panne est un écosystème humide en milieu dunaire ou un arrêt momentané. Nous marchons énergiquement de la ville vers la Dune Dewulf. Notre rythme guide nos découvertes. Je constate des anecdotes dans le paysage qui m’entoure. Un homme nous regarde par sa fenêtre ouverte. Nous continuons notre marche vers la forêt. Le sol est clairsemé de trous, habitat d’une faune et d’une flore luxuriante. Tout autour, des objets bordent le chemin : sac à dos, flacon de parfum vide, brosse à dent, déodorant, etc. Ici, un morceau de bâche de chantier, le reste est accroché à un arbre, nous le contournons et entrons plus profondément dans la forêt, derrière les troncs. À ceux-ci sont accrochés divers pans de matériaux, des murs fragiles en train de rompre. Cabanes précaires, censées protéger l’homme y logeant, que le vent a fini par détruire. Plus haut, la cime des arbres laisse entrevoir les toits des habitations, à quelques mètres de là, je vois les reflets du ciel et de la mer dans la vitre d’une fenêtre entrouverte. Une brise de vent la caresse et lui donne un mouvement si léger qu’on en oublierait la violence de ses actes, commis plus en aval. Au loin une aciérie, un château d’eau, des blockhaus qui longent la rive de sable. Je marche. Tout autour de moi, le mouvement mais ce mouvement n’est pas le même partout. Et moi, dans cette marche, je m’arrête, contemple, réfléchis aux liens et à l’énergie qu’il faut pour maintenir tout cela.

J'ai cherché les références géographiques de villes détruites par des vagues naturelles ou artificielles. Des photographies d'archives présentent ces villes qui ont existé, des traces de vie. Des restes de verre abandonnés dans la mer par les humains, après avoir été polis par l'eau et le temps, forment de nouveaux objets. De même, les ruines et les vestiges de ces villes se transforment peu à peu. J'utilise la lumière du soleil, l'eau de mer ainsi que les débris de verre trouvés sur la plage pour créer des images via le procédé du cyanotype. Puis, je les fais sécher au bord de la plage où le vent les modifie à nouveau. Le sable soufflé par le vent devient progressivement partie intégrante de l'œuvre.

Dans cette installation sculpturale, la question de l’énergie est abordée de deux façons différentes. Il y a d’abord, avec le plafonnier pour tube fluorescent, celle de la consommation d’énergie électrique. Cet objet manufacturé appartient au monde de l’industrialisation et plus particulièrement des architectures administratives. Il y a également celle de mon énergie personnelle. L’énergie de l’artiste est trop peu souvent prise en compte dans les œuvres qu’il produit. La vidéo projetée sur un plexiglas insalubre met en avant la question du mouvement et de la dérive en relatant le parcours hasardeux entrepris à vélo lorsque j’étais à la recherche d’un appareil lumineux fonctionnel dans les rues de Dunkerque. Se perdre dans l’espace revient à se perdre dans la réalité qui nous entoure jusqu’à obtenir une perception plus transcendantale du monde.

L’énergie qu’il faut.

Imaginez vous l’énergie qu’il faut pour entreprendre à contrecœur un périlleux voyage de plusieurs milliers de kilomètres.

Imaginez vous l’énergie qu’il faut pour découvrir un nouveau pays, une nouvelle culture ainsi qu’un nouveau climat, sans y être le bienvenu.

Imaginez vous l’énergie qu’il faut pour venir s’installer dans des conditions de vie misérables, inhumaines et essayer d’y survivre au quotidien.

Imaginez vous l’énergie qu’il faut pour assister, impuissant à la destruction, en quelques minutes, d’un espoir à sans cesse reconstruire.

Imaginez vous l’énergie qu’il faut pour, chaque jour, chaque instant, encore y croire.

Journal graphique avec récit autobiographique muet, dessiné à la tablette numérique, en noir et blanc avec touches de couleurs, au trait. Ensemble d’une cinquantaine de planches, poursuivi jour après jour durant le workshop Hyper.Local à Dunkerque.

DK2116 est le résultat d’une déambulation dans différents endroits de la ville de Dunkerque. Durant celle-ci, nous avons récolté objets et signes insignifiants afin de leur donner corps et de les faire exister ensemble. Nos visuels sont issus de nos échantillons et sont en quelque sorte un inventaire ou un témoin de notre parcours.